Questions/Réponses autour de la méditation par la Pleine conscience...

  • Qu'est-ce que la Pleine conscience ?

Pour reprendre la définition que donne Jon Kabat-Zinn dans son ouvrage "Où tu vas, tu es" (Ed. J'ai Lu, 2005), la Pleine conscience (Mindfulness) signifie diriger son attention d’une certaine manière, c’est-à-dire délibérément, au moment présent, sans jugement de valeur sur l'expérience vécue.

 

L'attention est ainsi, à un moment donné et de façon volontaire, dirigée sur un point choisi, sans jugement et avec bienveillance. Plus précisément :

 

-La pleine conscience est une pratique de l'attention et de l'éveil ;

 

-Ce mode de fonctionnement est mis en place volontairement sur un temps donné, que cela soit dans des pratiques formelles ou au cours de ses activités quotidiennes ;

 

-Ce mode d'être favorise l'acceptation inconditionnelle de l'expérience du moment (sensations, émotions, pensées, éléments de l'environnement extérieur), en se détachant d'un mode habituel réactif (jugement, évaluation, catégorisation ou évitement de l'expérience) qui est fréquemment à la source de souffrances individuelles (auto-dépréciations, inquiétudes, anticipations anxieuses...).

 

Diverses techniques sont mises en pratique et entraînées dans le cadre de cette approche :

 

-La pratique de la méditation sur le corps et la respiration ;

 

-Des exercices d’attention sur les perceptions internes et externes, les sensations corporelles, les pensées et émotions ;

 

-La mise en évidence du « pilotage automatique » de l’individu au quotidien, et le développement du mode « être » en parallèle du mode « faire » ;

 

-Le repérage des habitudes cognitives qui alimentent les ruminations mentales, et l'entraînement à l’acceptation du moment présent.

 

  • Quelles sont les indications et les contre-indications de la Pleine conscience ?

La méditation par la Pleine conscience peut bénéficier à la plus grande majorité des personnes souhaitant trouver un mode de fonctionnement tourné vers le mieux-être au quotidien. Certaines indications spécifiques peuvent être également soulignées :

 

-Prévention de rechutes dépressives,

-Gestion du stress, de l'anxiété chronique, de l'insomnie,

-Gestion de l'impulsivité (accès de colère, crises de boulimie),

-Gestion de la douleur chronique,

-Gestion de la détresse face à la maladie chronique,

-Amélioration du perfectionnisme excessif.

 

Du fait de l'engagement nécessaire en temps de pratique, en ressources attentionnelles et en implication personnelle, certaines conditions peuvent nécessiter une prise en charge préalable à la pratique de la mindfulness et une entrevue avec un spécialiste (psychologue, psychiatre, médecin formé) est alors profitable. C'est notamment le cas pour les difficultés suivantes :

 

-Dépression en phase aiguë,

-Troubles de l'attention,

-Attaques de panique récurrentes,

-Trouble bipolaire non stabilisé,

-Troubles psychotiques (hallucinations, délires),

-Etats dissociatifs ou psychologiques aigus (abus physiques, émotionnels ou sexuels).

 

  • Quels sont les liens entre Pleine conscience et psychothérapie ?

La pleine conscience s'intègre directement à différentes formes de psychothérapies, comme la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (Mindfulness-Based Cognitive Therapy, MBCT) ou l'entrainement à la gestion du stress basé sur la pleine conscience (Mindfulness-Based Stress Reduction, MBSR). D'autres interventions font référence à la pleine conscience en l'articulant à d'autres formes d'action, comme la thérapie d'acceptation et d'engagement (Acceptance and Commitment Therapy, ACT).

 

La MBCT est une approche qui intègre des techniques de thérapie cognitive avec la pratique de la méditation. Développée par Zindel Segal, John Teasdale et Mark Williams, elle est destinée notamment à prévenir les rechutes dépressives chez les personnes en rémission. En présence d'un état de tristesse transitoire, celles-ci ont en effet tendance à réactiver des pensées et émotions négatives pouvant déclencher une rechute.

 

La MBCT vise la prise de conscience de ce mode de fonctionnement de l'esprit, et favorise la construction d'une nouvelle attitude à l'égard de ces pensées et émotions. Les pensées sont alors vues comme des événements mentaux, indépendamment de leur contenu et de leur charge émotionnelle. Cette approche permet donc de se tenir à l'écart des ruminations négatives et de se déconnecter de la spirale conduisant à la rechute dépressive.

 

La MBSR favorise l'utilisation de la méditation dans le cadre de la gestion du stress, de l'anxiété et de la douleur chronique. Elaborée par Jon Kabat-Zinn, cette approche se révèle être un outil favorisant un mode de fonctionnement plus apaisé dans la vie quotidienne. Ses indications sont larges et ne visent pas uniquement la pathologie.

 

  • Quelle est l'origine de la Pleine conscience et ses liens avec le bouddhisme ?

La Pleine conscience (Mindfulness) a été adaptée des pratiques de méditation traditionnelles qui trouvent leurs origines dans le bouddhisme Theravada et Mahayana, en Inde depuis 2500 ans. L’Abhibdhamma représente une compilation de la psychologie et de la philosophie bouddhiste et inclut des descriptions détaillées des états de conscience pouvant être atteints par les techniques méditatives. Au Ve siècle, la partie de l’Abhibdhamma qui traite de la méditation a été résumée dans une collection connue comme le Visuddhimagga ou la "voie de la purification". Ces textes décrivent les caractéristiques de la pleine conscience induites par la méditation Vipassana (méditation de la vision intérieure, pratique de la méditation de pleine conscience).

 

Les descriptions occidentales modernes du concept dans la littérature scientifique sont consistantes avec les conceptualisations bouddhiques traditionnelles de la pleine conscience. De fait, les pratiques méditatives sont de plus en plus utilisée dans le champ de la santé, physique ou mentale, et font l'objet de nombreuses recherches appliquées. Issue de traditions millénaires, la Pleine conscience s'inscrit donc dans le monde contemporain et est proposée aujourd'hui comme une "méditation laïque", détachée des aspects religieux de ses origines.

 

  • Quelles différences entre relaxation et méditation ?

De façon synthétique, l’une des différences principales correspond au fait que la relaxation vise une "performance" (détente et relâchement musculaire...) alors que la méditation consiste en une prise de conscience de l'expérience vécue, sans objectif par rapport à celle-ci :

 

-La relaxation vise explicitement un relâchement, une détente physique, musculaire et émotionnelle. En ce sens, sa pratique est ouvertement orientée vers un objectif attendu que les pratiquants cherchent à atteindre. Elle peut être utilisée de façon spécifique comme technique thérapeutique face à un malaise spontané (attaque de panique, conflit interpersonnel...). Elle est également souvent associée à une baisse de la vigilance.

 

-La méditation ne vise pas l'atteinte d'un objectif particulier (tel qu'un relâchement musculaire par exemple), mais correspond à un mode d'être ouvert à l'expérience du moment, quelle qu'elle soit, sans chercher à la modifier. Les bénéfices observés en lien avec la pratique ne sont pas recherchés volontairement dans les séances. La méditation correspond à un mode d'éveil, d'attention et de conscience.

 

  • Quelle est l'efficacité de la méditation par la Pleine conscience ?

La Pleine conscience présente des preuves d’efficacité comme approche de réduction du stress dans la population générale. Elle est maintenant utilisée pour apprendre à gérer par soi-même le stress et la détresse émotionnelle associée de façon habituelle à diverses maladies chroniques, et comme une approche psychothérapeutique pour plusieurs troubles psychologiques :

 

-Dans la douleur chronique, la Pleine conscience permet une réduction de la détresse émotionnelle, des symptômes psychologiques et de l'incapacité fonctionnelle (Kabat-Zinn et coll., 1985). Ces bénéfices sont stables jusqu’à quatre ans après la prise en charge (Kabat-Zinn et coll., 1987).

 

-La Pleine conscience est efficace pour minorer le stress, l’anxiété, la dysphorie dans la population générale, et elle améliore l'empathie, le sentiment et la capacité de contrôle personnel (Astin, 1997 ; Shapiro coll., 1998).

 

-Speca et coll. (2000) ont testé la Pleine conscience auprès de patients souffrant de différents cancers. Les résultats montrent une réduction respective de 65 % de la perturbation de l’humeur et de 35 % des symptômes de stress, le temps de pratique de la méditation étant corrélé aux bénéfices éprouvés.

 

-Teasdale et coll. (2000) ont testé la Pleine conscience auprès de patients déprimés en rémission depuis peu. Cette pratique combinée à la thérapie cognitive réduit de moitié le taux de rechute dépressive pour les personnes ayant présenté trois épisodes ou plus.

 

  • "> Quelles sont les explications psychologiques de la Pleine conscience?

La Pleine conscience correspond à un état dans lequel l’individu est « pleinement présent dans le moment, centré sur la réalité de la situation, en la reconnaissant et en l’acceptant pour ce qu’elle est » (Kabat-Zinn, 1984, 1990 ; Teasdale et coll., 1995).

 

Bishop (2002) souligne que les caractéristiques de cet état intègrent divers aspects de régulation attentionnelle :

  1. L'attention soutenue permet d'être « pleinement présent dans le moment », focalisé sur un point unique de conscience (la respiration comme point d’ancrage, par exemple) en se désengageant des pensées et émotions portant sur l’objet observé ou de pensées discursives non-pertinentes.
  2. L'attention contrôlée permet d'« observer la réalité du moment présent », le pratiquant percevant les caractéristiques objectives de sa situation sans élaborer de jugement sur celle-ci (implications potentielles, interprétations hypothétiques ou activités réactionnelles). Ainsi dans l'expérience, les pensées et les émotions qui parviennent spontanément à la conscience sont observées pour ce qu’elles sont, sans jugement ou interprétation de celles-ci.
  3. L'attention diffuse permet de « reconnaître et accepter la situation pour ce qu’elle est », le pratiquant restant ouvert à l’expérience de façon à ce que toute information disponible soit observée intentionnellement et sans attachement à un quelconque point de vue ou résultat. Il n’y a pas de tentative de changement ou d’échappement, ni de maintien ou de prolongation, de quoi que ce soit. Le méditant reste ouvert et disponible pour observer la présence de chaque pensée ou émotion lors de sa survenue, comme de sa disparition. La pertinence ne porte pas sur les idées ou les croyances préconçues, mais sur le fait de porter son attention à toute information disponible.

La Pleine conscience semble donc refléter un type de capacité méta-cognitive (Marks, 1999) dans laquelle le méditant à la capacité d’observer ses propres processus mentaux, c’est-à-dire percevoir ses pensées ou ses émotions comme des événements mentaux, qui n’ont pas plus de valeur ou d’importance que ce que le pratiquant leur permet d’avoir. La validité ou la pertinence des pensées et des émotions n’est pas automatique. Les états émotionnels ne sont plus "plaisants" ou "déplaisants" par eux-mêmes, mais ils sont observés comme des événements mentaux. Cette pratique favorise l’amélioration de la tolérance émotionnelle et la diminution de la réactivité émotionnelle. Les situations sont abordées avec la même conscience objective, les événements n’ont pas de valeur par eux-mêmes autre que celle qu’on leur permet d’avoir. Ainsi, en plus des capacités de régulation attentionnelle, la pleine conscience peut être conceptualisée comme un ensemble d’attitudes et une tendance générale à l’orientation et à l’approche de l’expérience.